Un moteur électrique rechargé en 5 minutes

Focus: Technique

Un moteur électrique rechargé en 5 minutes

12 mai 2020 metiersauto.ch – La technologie des piles à combustible (PAC) ne date pas d’hier : son domaine d’application s’étend des sous-marins à l’approvisionnement en énergie dans l’espace. Elle est également étudiée et développée depuis plus de 25 ans dans le secteur automobile. Plusieurs raisons expliquent pourquoi elle n’a pas encore percé. Il s’agit néanmoins d’une alternative sérieuse aux véhicules électriques à batterie (VEB). Voici les avantages et inconvénients de cette technologie.


Grâce aux recherches intensives, les modules des PAC pour véhicules sont devenus plus puissants, plus abordables et plus petits. Les experts ne s’attendent toutefois pas à une percée dans le secteur des véhicules de tourisme avant dix ans. La Suisse fait figure de pionnière dans le domaine des véhicules utilitaires et assure ainsi un boom des PAC. (Image Hyundai.)

Dans une pile à combustible, l’hydrogène (H2) réagit avec l’oxygène (O2) pour former de l’eau (H2O). Au cours de ce processus, les protons d’hydrogène traversent une fine membrane puis entrent en contact avec l’oxygène, ce qui produit de l’électricité. La pile à combustible céramique possède une efficacité énergétique très élevée à des températures de fonctionnement allant de 400 à 1000 °C. Ce type de PAC n’est toutefois pas adapté aux véhicules.

Pour les automobiles, ce sont les PEM (proton-exchange membrane, ou membrane échan-geuse de protons) qui sont utilisées. Celles-ci fonctionnent à des températures d’environ 60 °C. Ce processus est aussi appelé « combustion froide » et permet de générer une puissance électrique d’environ un watt par cm2 de surface de membrane. Le platine est le catalyseur de la réaction chimique. La proportion de cet onéreux métal précieux pourrait être considérablement diminuée grâce à des travaux de recherche intensifs (réduction d’un facteur 10).

Pour obtenir la tension élevée requise par les véhicules, la pile à combustible est composée de cellules connectées en série formant un « stack ». Ainsi, celle de la Toyota Mirai en possède 370. La tension d’une cellule s’élève à 0,85 V. Au total, la pile dispose donc d’une tension de 315 V à puissance maximale. Quant à la puissance continue, elle est de 75 kW. La conversion d’énergie maximale permet d’atteindre une puissance électrique de 110 kW.

L’efficacité énergétique est optimale lorsque la puissance de récupération est faible : environ un tiers de la pression/puissance suffit à obtenir une efficacité énergétique de conversion de plus de 65 %. Lorsque la conversion énergétique atteint son maximum, l’efficacité chute à environ 40 %. Contrairement à ses concurrents, Toyota utilise un accumulateur nickel-hydrure métallique avec une capacité de stockage d’énergie de 1,6 kWh (245 V). À vide, le véhicule pèse près de 1,9 tonne et affiche une consommation normalisée de 0,76 kg d’H2 aux 100 km.

En raison de cette baisse d’efficacité énergétique, la PAC n’alimente pas le moteur électrique de manière directe, mais par le biais d’une batterie tampon. Elle peut donc être exploitée autant que possible lorsque l’efficacité est à son paroxysme. La tension de sortie est ensuite partiellement transférée vers la tension de la batterie à haut voltage par un convertisseur DC/DC. Pendant la conduite, le moteur électrique peut tirer sa puissance électrique à la fois de la batterie et de la PAC grâce à l’électronique de puissance. La PAC sert ici de prolongateur d’autonomie (range extender). Fondamentalement, il s’agit donc d’un hybride séquentiel.

La GLC F-Cell de Mercedes-Benz, proposée en leasing à certains clients allemands uniquement, possède une capacité brute de batterie de 13,5 kWh, ce qui correspond à une autonomie sans PAC d’environ 40 km en cycles WLTP. Le véhicule dispose d’un chargeur embarqué de 7,4 kW permettant de recharger la batterie au moyen d’une prise. Il a une puissance motrice de plus de 160 kW, consomme 1 kg d’H2 aux 100 km et pèse 2,13 tonnes à vide.

En Suisse, la Hyundai Nexo est disponible à l’achat dès CHF 89 000.–, de même que la Toyota Mirai (dès CHF 89 900.–). Les deux modèles ne sont pas des véhicules à brancher et ne peuvent donc pas être rechargés par prise. La Nexo possède une PAC d’une puissance de 95 kW, une batterie de 1,56 kWh (40 kW), un moteur électrique d’une puissance maximale de 120 kW et une autonomie de 666 km en cycles WLTP. Elle pèse 2 tonnes à vide et consomme 0,8 kg d’H2 aux 100 km. La deuxième génération de la Mirai sera commercialisée cette année. La sécurité du transport de l’hydrogène représente un défi supplémentaire, qui a aussi été surmonté par les chercheurs, les fournisseurs et les équipementiers. Les trois réservoirs de la Nexo, d’un volume total de 156,6 l (soit 6, 33 kg d’H2), les deux de la GLC F-Cell de Mercedes (4,4 kg d’H2) et les deux de la Toyota Mirai (max. 5 kg d’H2) sont placés dans les véhicules de manière à résister aux chocs. Grâce à leur structure, ils sont aussi non destructifs.

Le ravitaillement est réglementé de manière uniforme dans le monde entier (voir l’interview de Christian Bach). L’électrolyse sur place, souvent pratiquée dans les quelque 70 stations-service existant actuellement en Allemagne, n’est pas idéale d’un point de vue énergétique en raison des électrolyseurs, petits et décentralisés. En outre, les frais de réseau la rendent coûteuse. La production centralisée d’hydrogène directement chez un fournisseur d’énergie renouvelable (par ex. centrale hydroélectrique) est plus efficace. Cependant, l’acheminement de l’hydrogène gazeux vers les stations-service est plus onéreux. Actuellement, seules deux stations sont accessibles au public. La situation va toutefois rapidement changer grâce à H2 Energy, qui en ajoutera six en 2020 et en prévoit environ 70 de plus. En tenant compte de toute la chaîne de l’efficacité énergétique, l’hydrogène et les carburants de synthèse ne sont pas beaucoup mieux que les moteurs à combustion. L’efficacité énergétique de l’électrolyse est actuellement de 70 %. La compression, le transport et le refroidissement de l’hydrogène (80 %) ainsi que l’efficacité énergétique de la PAC (50 à 60 %) font que la chaîne du système a une faible efficacité, en raison de la multiplication de l’efficacité individuelle. L’efficacité du système énergétique global peut toutefois augmenter grâce à l’utilisation de l’hydrogène. En effet, celui-ci permet d’utiliser l’électricité excédentaire, ce qui évite de devoir la réguler.

Le bilan carbone de l’utilisation d’électricité renouvelable est bon tant pour la technologie des PAC que pour les VEB. À l’avenir, cela pourrait aider la pile à combustible à percer.
 


Interview de Christian Bach, chef du Laboratoire Technologies de propulsion automobile à l’Empa

Le défi de l’infrastructure des stations-service d’hydrogène

La technologie des piles à combustible ne peut réussir que si l’infrastructure nécessaire est implantée dans tout le pays et que l’énergie électrique provient de sources renouvelables. Christian Bach se penche également sur la problématique du ravitaillement en hydrogène.


Monsieur Bach, d’après vous, quels sont les défis techniques que pose la distribution d’hydrogène, nécessaire pour une mobilité à l’échelle nationale ?
Christian Bach: Les stations-service à hydrogène ont des coûts d’investissement élevés. Elles ont donc besoin d’un grand chiffre d’affaires dès le début. En Suisse, H2 Energy et H2 Mobilité ont choisi de mettre l’accent sur le ravitaillement pour camions tout en concevant les stations-service pour les voitures de tourisme également, ce qui est une approche très bien pensée. Cependant, il n’est pas facile de concevoir à un coût optimal les installations prévues à la fois pour les camions et les voitures de tourisme.

Le remplissage rapide du réservoir est un avantage considérable face au temps de recharge des VEB. Quels sont les obstacles que doivent surmonter les exploitants de stations-service afin de pouvoir pomper rapidement l’hydrogène gazeux dans les réservoirs des véhicules ?
Lorsque le réservoir d’hydrogène d’un véhicule est rempli de 100 à 700 bars, par exemple, sa température monte à environ 100 °C en raison de la compression de l’hydrogène. Or les réservoirs renforcés de fibres de carbone ne doivent pas être exposés à des températures supérieures à 85 °C. L’hydrogène est donc refroidi à -40 °C avant le remplissage. L’ensemble de la chaîne de ravitaillement (livraison, stockage temporaire, compression, refroidissement et remplissage) est relativement complexe sur le plan technique et nécessite beaucoup d’espace.

L’argument de l’efficacité énergétique est à la défaveur de l’hydrogène et des PAC. Ceux-ci vont-ils tout de même percer?
L’un des grands avantages de l’hydrogène est le décuplement de la consommation d’électricité pour la production d’hydrogène du ravitaillement. Cela signifie que l’hydrogène ne doit pas être produit lorsqu’un véhicule est alimenté, mais lorsqu’il y a un excédent d’électricité. Les spécialistes parlent donc souvent de flexibilité. Sans la production d’hydrogène, le surplus d’électricité devrait être régulé. Malgré la faible efficacité énergétique du sous-système, l’hydrogène peut toutefois accroître celle de l’ensemble du système énergétique.

Quels sont les domaines de la mobilité les plus adaptés au moteur à PAC et quel est son potentiel ?
Pour les voitures de tourisme, nous pensons que les moteurs à PAC seront principalement utilisés pour les longues distances dans de grands véhicules. Quant aux véhicules utilitaires, le transport régional et les bus seront les principaux concernés. Il est aussi envisageable de l’utiliser dans les stations de recharge rapides pour les véhicules électriques. Son potentiel n’est pas encore épuisé. Au PSI, un système de refroidissement novateur pour les piles à combustible fait notamment l’objet de recherches. Cela pourrait réduire la complexité des PAC de manière considérable. 

De l’électricité et de l’eau à partir de l’hydrogène
Le principe de base de la technologie des piles à combustible est très simple : l’hydrogène (H2) est amené vers la membrane échangeuse de protons (PEM). À l’anode, les électrons sont séparés de l’atome et seuls les ions traversent la PEM. Au niveau du catalyseur, qui contient du platine, les ions hydrogène réagissent avec l’oxygène (O2) provenant de l’air pour former de la vapeur d’eau (H2O), qui se condense en gouttelettes. Les défis techniques comprennent l’acheminement exact de l’hydrogène à 700 bars vers la PEM (la pression avant celle-ci est d’un à deux bars) et la régulation du débit d’air (au moyen d’un compresseur et d’un humidificateur) afin de permettre la combustion à froid. Le comportement transitoire des véhicules (accélération) constitue un enjeu supplémentaire pour la technique de réglage. L’électronique de puissance permet à l’énergie de la PAC et à celle de la batterie intégrée de fonctionner ensemble pour alimenter les moteurs électriques lorsqu’une forte puissance est demandée. La régulation de la température est aussi très importante : les piles à combustible PEM fonctionnent de manière optimale entre 60 et 80 °C. La membrane doit donc être chauffée électriquement par un chauffage PTC, puis refroidie par le système de refroidissement du véhicule. Lorsque la température extérieure est basse, le chauffage des empilements de PAC, comme pour les VEB, consomme beaucoup d’énergie, car les batteries doivent aussi être chauffées.
 
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